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Georges Aubert, médium pianiste

06/01/2021

(...) Nous étions réunis, un beau soir, tranquilles et en famille, autour de la table, occupés à causer avec Emile T... lorsque, par coups frappés, celui-ci nous prévint que l'esprit de Méhul désirait nous parler.

Immédiatement, mon père commença à énoncer les lettres alphabétiques, comme à l'ordinaire ; la communication ainsi obtenue nous disait :

- Je demande que Georges se mette au piano, il jouera sous mon influence.
- Mais, comment ? s'écria mon père abasourdi, n'ayant jamais entendu parler de pareil fait.
- Comme tout le monde, reprit Méhul, les mains sur le clavier, et qu'il attende.

Interloqués, nous nous levons tous, mon père, ma mère, ma grand'mère et moi, et entrons dans le salon. 

Je me dirige vers le piano dont nous avions allumé les lampes et m'installant comme l'avait dit Méhul, j'attends.

Au bout d'un quart d'heure, comme aucun phénomène ne se produisait, mon père nous dit :

- Ce n'est pas possible, il doit y avoir erreur de communication, retournons dans la salle à manger.

Nous voilà donc à nouveau autour de la table. De suite, celle-ci se remet à tourner et Méhul reproduit textuellement sa communication, en ajoutant cependant cette phrase sur laquelle je ne saurais trop appuyer

- Il faut que vous éteigniez les lampes, car les rayons lumineux forment obstacle à la manifestation.

Vite, nous nous précipitons derechef vers le salon ; nous éteignons tout et me voilà dans l'obscurité la plus profonde, devant un instrument, livré complètement à l'influence de l'au-delà.

Je tiens cependant à faire remarquer de suite que l'obscurité qui fut nécessaire au début pour obtenir un morceau, ne resta de règle qu'environ un an.

Au bout de ce temps, peu à peu, la lumière fut rendue et actuellement je puis jouer au grand soleil.

Vous me demanderez peut-être quelles furent, à ce moment, les impressions que je ressentis ?

Je vous avouerai qu'une certaine appréhension s'était emparée de moi ; et malgré tous les phénomènes physiques auxquels il m'avait été donné d'assister, une crainte vague m'envahissait.

En effet, si tout ce que j'avais vu auparavant avait été obtenu par mon intermédiaire, je n'avais éprouvé, personnellement, aucune sensation particulière. Il n'en était pas de même pour cette expérience du piano. Je me rendais compte que c'était mon organisme même qui allait entrer en jeu.

Qu'allait-il se passer ?

Mon Dieu, ce fut bien simple, quoique bizarre pour moi.

Tout à coup, je sentis mes mains s'engourdir.

De plus en plus la sensation du clavier disparaissait sous mes doigts et je fus tout surpris d'entendre résonner avec force un magnifique accord car je ne sentais plus du tout les touches.

Je me rendais compte que mes mains étaient anesthésiées, car mes bras remuaient en suivant la suite des notes, mais le tact manuel était aboli...

J'étais bien heureux en comprenant que j'allais assister, en véritable auditeur, à ce concert d'un nouveau genre.

Je sentais mon cerveau complètement libre et sans avoir aucune préoccupation de fausses notes, je m'abandonnais à l'influence de Méhul.

Néanmoins cette sensation de jouer du piano, sans sentir le clavier et sans savoir ce qui se jouait sous mes doigts était plutôt étrange.

Mais si j'étais heureux, la surprise, la joie surtout furent complètes pour mon père, ma mère et ma grand'mère.

Me voilà donc médium musicien !

Quelques jours après, mon père qui était d'une extrême exigence, voulut assister à de nouveaux phénomènes physiques.

Nous nous installons donc comme d'habitude dans la salle à manger, autour de la table, et nous attendons.

Quelle stupéfaction de constater qu'aucun mouvement, aucun bruit ne survient. Comment, après tout ce que nous avions obtenu, le meuble restait aussi inerte que pendant les trois premiers mois !

Ceci dépassait notre compréhension.

Absolument désespéré, mon père me demanda d'aller au piano. A peine y étais je installé, qu'un de mes doigts se mit à frapper frénétiquement une des touches.

Nous ne savions trop ce que cela voulait signifier, lorsque mon père eut l'idée que l'esprit voulait causer.

La réponse ne se fit pas attendre.

Le doigt en question (ou un autre, car, dans l'obscurité, je ne pouvais me rendre compte lequel de mes dix doigts jouait de celte façon) frappa une note, une seule fois, et mon père comprit immédiatement que la correspondance par coups frappés allait être remplacée par la communication par.... note frappée.

Il appela les lettres comme d'habitude et la réponse que Méhul nous donna fut pour nous extraordinaire. L'esprit nous annonçait que ma médiumnité physique était abolie et que jamais plus je n'obtiendrais quelque phénomène que ce soit à la table !

- Mais pourquoi ? s'écria mon père.

- Parce que la force fluidique de Georges, répondit Méhul, est complètement nécessaire aux manifestations musicales dont nous voulons le rendre interprète. Il ne faut, sous aucun prétexte, qu'il y ait dépense par ailleurs.

Et ce fut fini. Rien n'y fit. L'entêtement de mon père qui, à tous prix, voulait encore voir des faits physiques, se heurta à la volonté supérieure de nos amis les musiciens.

Il fallut se rendre à l'évidence et à dater de ce moment, c'est à ma nouvelle médiumnité que je m'adonnai complètement.

C'est donc Méhul qui ouvrit l'ère de ces phénomènes musicaux et dès le début on put remarquer la netteté, la justesse et la correction de la mesure de ce qui était joué.

Quelquefois, depuis cette époque, pendant plusieurs heures de suite et sans grande fatigue je me mettais au piano deux ou trois fois par semaine.

J'avouerai, sans vouloir préjuger de la valeur musicale des morceaux ainsi produits que, loin d'être une corvée pour moi, ce m'était un véritable plaisir que de me livrer ainsi aux esprits de nos grands musiciens disparus.

Les citerai-je tous ? Je ne pourrais.

Ce qui doit être remarqué, cependant, c'est que ce furent surtout les classiques qui tinrent nos séances.

En tête Beethoven, puis Mendelssohn, Mozart, Bach, Schumann, Schubert, Méhul, Stradella, Rameau, Chopin, Liszt, Berlioz, F. David, Wagner, etc..

(...) C'est pendant treize ans, de 1891 à 1904, que ces manifestations durèrent dans notre petit cercle d'amis...

(...) Je n'avais véritablement pas de chance, et je ne me voyais toujours pas contrôlé, étudié sérieusement.

Cela me chagrinait assez, car M. David ne cessait de répéter que ma médiumnité ne prouvait rien et qu'il fallait absolument un cercle de savants pour faire éclater ma bonne foi.

C'est à ce moment que Monsieur Gabriel Delanne, président de la Société française d'études des Phénomènes psychiques, directeur de la Revue scientifique et morale du spiritisme, fit paraître dans cette dernière publication un entrefilet par lequel il invitait tous les médiums de bonne volonté à se faire connaître.

M. David, qui y était abonné, ne lit qu'un bond jusqu'à la maison et agitant son numéro, demanda à mon père s'il voulait qu'il écrivit pour demander un rendez-vous.

- Nous allons donc faire connaître Georges, s'écria-t-il, et aussi, par M. Delanne, arriverons-nous à des expériences sérieuses et suivies.

Enchanté, mon père lui répondit affirmativement et, par une lettre explicative, M. David demanda à M. G. Delanne de bien vouloir venir chez lui afin de m'entendre.

Ceci se passait vers le mois d'Octobre 1904.


Source :

La médiumnité spirite de Georges Aubert exposée par lui-même - 1920 (page 42)
https://iapsop.com/ssoc/1920__aubert___mediumnite_spirite.pdf

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La Conférence de M. Gabriel Delanne

(...) M. Gabriel Delanne rappela comment, en 1904, il connut le médium musicien Aubert ; ce dernier, qui avait quelques vagues notions de musique, mais n'a jamais appris l'harmonie ni le contrepoint ni la fugue, fut soumis à un contrôle scientifique sérieux. Quand il est sous l'influence, il y a chez lui une anesthésie complète des mains et des avant-bras ; il joue sans sentir les touches. Les savants de l'Institut général psychologiques l'ont étudié rigoureusement, une fois chaque semaine, pendant 3 mois. On constata que :

1° son état physiologique est normal ;

2° l'anesthésie de ses avant-bras et des doigts existe réellement ;

3° son automatisme est indéniable.

L'une des preuves de la sincérité de M. Aubert, qui pourrait acquérir à la fois la célébrité mondiale et une fortune considérable, est son complet désintéressement. De plus, ce qu'il joue est toujours imprévu, toujours original, toujours inédit. Au point de vue musical, le contrôle a été fait par des maîtres en cet art, par des pianistes professionnels, des compositeurs célèbres, des professeurs aux Conservatoires français et étrangers.

- Ainsi, conclut M. Gabriel Delanne, M. Aubert est réellement en communication avec l'Au-delà. Par lui, les invisibles viennent nous donner du courage pour supporter l'épreuve terrestre ; ils nous affirment qu'on ne meurt pas et que nous irons les rejoindre, pour poursuivre notre évolution.

Le Médium musicien Aubert

C'est avec une attention remarquable - ce qui prouve qu'ils avaient compris l'importance du phénomène auquel ils assistaient - que les spectateurs ont écouté M. Aubert qui, successivement, interpréta :

I. Mendelsohn. - II. Chopin. - III. Leclair. - IY. Litz. - V. Weber. - YI. Bach. - VII. Godart.

Ce qui est le plus remarquable, c'est que ce médium musicien, avant d'exécuter le morceau qui lui est inspiré, est aussi ignorant que le public de ce qu'il va jouer. Il est donc un spécimen extraordinaire de médiumnité automatique. Il nous disait, après la séance, qu'avant de se rendre rue d'Athènes, il aurait été incapable de pianoter « Au clair de la lune », car il avait le cerveau vide de toute idée musicale.

Et c'est le même homme qui joua, avec un brio et une exécution déconcertante chez un être n'ayant pas étudié professionnellement le piano, des œuvres si nettement inspirées par les maîtres Chopin, Litz et autres que, dans la salle, les connaisseurs avaient reconnu l'auteur avant qu'il n'ait été nommé par le médium.

Ce qui prouve bien la sincérité de M. Aubert, c'est la réflexion que fit quelqu'un qui est pianiste.

- On voit bien, disait-on, que ce monsieur n'a pas appris le piano ; il tape parfois d'un doigt, a des mouvements contraires à ceux qui sont enseignés et ne suit, dans son jeu, aucune des règles classiques : il joue avec beaucoup de contraction dans les mains, et si elles n'étaient pas anesthésiées, cette contraction le ferait tellement souffrir qu'il ne pourrait pas rester au piano plus de quelques minutes.

Si M. Aubert peut ainsi se produire en public, c'est à la suite d'un lent et minutieux développement de sa médiumnité.

Dans les premiers temps, l'obscurité était indispensable. Encore aujourd'hui, il est utile qu'il soit entouré d'un cercle sympathique et il a besoin d'être écouté en silence. Il dit avoir l'impression que quand il joue devant une nombreuse assistance, l'on met autour de lui un cordon fluidique qui l'isole complètement.

Les militants spirites doivent se féliciter du succès de cette magnifique soirée, dont tous les spectateurs garderont le souvenir. Nombreux parmi eux étaient les non-initiés ; beaucoup, sans doute, convaincus maintenant que le spiritisme n'est pas un amusement, vont chercher à se documenter sur notre science.


Sources : Bulletin de l'Union Spirite Française - Janvier 1991 (Page 33)