Du lundi au vendredi de 9 h à 17 h

De l'appréhension de la mort

02/10/2020


L'homme a le sentiment inné de l'avenir ; son intuition lui dit que la mort n'est pas une fin totale et définitive et que ceux que nous regrettons ne sont pas perdus pour toujours. La croyance en l'avenir est intuitive, et infiniment plus générale que la croyance au néant.

Comment se fait-il donc alors, que parmi ceux qui croient à l'immortalité de l'âme, on trouve encore tant d'attachement aux choses de la terre et une si grande appréhension de la mort ?

L'appréhension de la mort est une conséquence de l'instinct de conservation commun à tous les êtres vivants. Elle est nécessaire tant que l'homme n'est pas assez éclairé sur les conditions de la vie future. Elle est un frein qui l'empêche de quitter prématurément la vie terrestre et de négliger le travail d'ici-bas qui doit servir à son propre développement.

A mesure que l'homme comprend mieux la vie future, l'appréhension de la mort diminue et en même temps, comprenant mieux sa mission sur la terre, il attend sa fin avec plus de calme, de résignation et moins de crainte. La certitude de la vie future donne une autre direction à ses pensées, un autre but à son chemin. La certitude de retrouver ceux qu'il a aimés après la mort, de continuer les relations qu'il a eues avec eux sur la terre, de ne pas perdre le fruit de son travail ici-bas, de grandir sans cesse en intelligence et en perfection, lui donne la patience d'attendre, et le courage de supporter les fatigues momentanées de la vie terrestre.

Pour s'affranchir des appréhensions de la mort, il faut pouvoir envisager celle-ci sous son véritable point de vue, c'est-à-dire avoir pénétré le monde invisible et s'en être fait une idée aussi exacte que possible, ce qui dénote chez l'être incarné un certain développement, et une certaine aptitude à se dégager de la matière.

Il y a ceux qui ne sont pas suffisamment avancés dans leur développement, pour eux la vie matérielle l'emporte encore sur la vie spirituelle. L'homme s'attachant à l'extérieur, ne voit la vie que dans le corps, tandis que la vie réelle est dans l'âme. Le corps étant privé de vie, à ses yeux tout est perdu, et il se désespère. Si, au lieu de concentrer sa pensée sur le vêtement extérieur, il la portait sur la source même de la vie, sur l'âme qui est l'être réel survivant à tout, il s'identifierait moins au corps.

Et il y a ceux qui nient la possibilité d'une « vie après la mort ». Eux sont dans le même cas que ceux qui niaient le mouvement de la terre. Ils nient la cause première, c'est-à-dire l'âme, sa survivance ou son individualité, il n'est donc pas surprenant qu'ils nient l'effet. Ils jugent sur le simple énoncé du fait, et le déclarent absurde. Ils n'ont pas encore la connaissance de la loi naturelle sur laquelle il repose.

Le tableau qu'en fait la religion n'est, il est vrai, ni séduisant, ni rassurant.

D'un côté, il y a les contorsions des damnés qui expient, dans les tortures et la souffrance sans fin, leurs erreurs d'un moment, pour qui les siècles succèdent aux siècles sans espoir d'adoucissement ni de pitié.

De l'autre, les âmes languissantes et souffreteuses du purgatoire, attendant leur délivrance du bon vouloir des vivants qui prieront ou feront prier pour elles, et non de leurs efforts pour progresser.

Ces deux catégories composent l'immense majorité de la population de l'autre monde.

Au-dessus plane celle très restreinte des élus, jouissant, pendant l'éternité, d'une béatitude contemplative.

Plus d'un croyant croit acquérir ce bonheur au moyen de quelques rituels, à la possibilité même de l'acheter, sans réforme sérieuse du caractère et des habitudes. Et puisque leur avenir est assuré par l'accomplissement de certaines formules ou par des dons qui ne les privent de rien, il est superflu, pour de tels croyants, de s'imposer des sacrifices ou des contraintes au profit d'autrui

Ce n'est évidemment pas la pensée de tous, car il y a de grandes et de belles exceptions ; mais c'est le cas pour le plus grand nombre, surtout des masses peu éclairées : le travail progressif que l'on accomplit sur la terre n'étant pour rien dans le bonheur futur, ils croient à leur salut en travaillant chacun pour soi, entretenant leur attachement aux biens de ce monde et nourrissant leur égoïsme.

Ajoutons à cela que dans nos usages, la mort n'est entourée que de cérémonies lugubres qui terrifient plus qu'elles ne provoquent l'espérance. La mort est toujours représentée sous un aspect repoussant, et jamais comme un sommeil de transition. Tout nous rappelle la destruction du corps, rien ne symbolise l'âme se dégageant, radieuse, de ses liens terrestres.

Le départ n'est accompagné que des lamentations des survivants, on leur dit un éternel adieu, comme si l'on ne devait jamais les revoir. Ce que l'on regrette pour eux, ce sont les jouissances d'ici-bas, comme s'ils ne devaient pas trouver de plus grandes. Quel malheur, dit-on, de mourir quand on est jeune, riche, heureux et qu'on a devant soi un brillant avenir ! L'idée d'une situation plus heureuse effleure à peine la pensée. Tout concourt donc à inspirer l'effroi de la mort au lieu de faire naître l'espérance. L'homme sera longtemps sans doute à se défaire de ces préjugés, mais il y arrivera à mesure qu'il se fera une idée plus saine de la vie spirituelle.

La croyance dans les dogmes, les religions, place les âmes dans des régions à peine accessibles à la pensée, où elles deviennent en quelque sorte étrangères aux survivants. Elle met parfois, entre les âmes et les survivants, une barrière infranchissable, elle déclare que toute relation est rompue, toute communication impossible. Et que dire de cette croyance des « athées » qui les fait disparaitre définitivement. Tout cela met entre les morts et les vivants une telle distance, que l'on regarde la séparation comme éternelle. C'est pourquoi on préfère encore les avoir près de soi souffrants sur la terre, que de les voir partir.

La doctrine spirite change entièrement la manière d'envisager l'avenir. La vie future n'est plus une hypothèse, mais une réalité. L'état des âmes après la mort n'est plus un système, mais un résultat d'observation. Le voile est levé, le monde invisible nous apparaît dans toute sa réalité pratique. Ce ne sont pas les hommes qui l'ont découvert par l'effort d'une conception ingénieuse, ce sont les habitants mêmes de ce monde qui viennent nous décrire leur situation. Nous les y voyons à tous les degrés de l'échelle spirituelle, dans toutes les phases allant du bonheur au malheur. Nous assistons à toutes les péripéties de la vie d'outre-tombe.

Les spirites envisagent la mort avec calme et sont sereins quant à leurs derniers instants sur la terre. Ce qui les soutient, ce n'est pas seulement l'espérance, c'est la certitude. Ils savent que la vie future n'est que la continuation de la vie présente et ils l'attendent avec confiance. Les raisons de cette confiance sont dans les faits dont ils sont témoins.

Le Spiritisme repose sur un fait, celui de la communication du monde visible et du monde invisible. Pour les Spirites, l'âme n'est plus une abstraction, elle a un corps éthéré qui en fait un être défini. Au lieu d'être perdues, ces âmes sont autour de nous. Ces deux mondes qui n'en font qu'un, sont en perpétuelles interactions et s'assistent mutuellement.

Le doute sur l'avenir n'étant plus permis, l'appréhension de la mort n'a plus de raison d'être. On la voit venir de sang-froid, comme une délivrance, comme la porte de la vie, et non comme celle du néant.

Source : La Revue Spirite, Février 1865